Juin 2025

Faire du bien une bouchée à la fois avec Anouck Serra-Godard

A woman and three young children preparing food together in a bright kitchen. One child wears a shirt with the words 'Too busy saving the world' while the woman holds a jar of ingredients near a sunny window.

Photographie

Catherine Bernier

Texte

Catherine Bernier

Dans la maisonnée ancestrale de Anouck Serra-Godard et sa famille, au cœur du vieux-Magog, cuisiner est une activité en soi et non une corvée, y compris la vaisselle! La praticienne en nutrition holistique, mère de trois enfants et fondatrice de Holimmm cuisine des petits plats aussi vivifiants que ses trois enfants.

Au comptoir, Lilou, l’aînée, prend un malin plaisir à lécher la spatule avant que son petit frère ne le fasse. Trop concentré à mesurer méticuleusement les ingrédients secs pour le gâteau aux fruits, au zucchini et au sésame, Alphi, le cadet, ne remarque rien. Masao, le petit dernier, s’empresse de grimper sur un tabouret pour être à la même hauteur que sa fratrie. Pas question de manquer ça !

Est-ce que ça se passe toujours comme ça ? demandai-je à Anouck. « Notre relation à la nourriture n’a pas toujours été aussi amusante. Avant que je fasse le saut en nutrition, il y avait beaucoup de maux incompris et d’anxiété autour des repas », confie-t-elle.

Holimmm est née d’un long processus d'essais et d’erreurs qu’elle a dû traverser elle-même pour trouver des réponses aux maux de ses enfants et les siens. « Plus jamais je souhaite qu’une mère se sente aussi seule que je me suis sentie. Je veux accompagner d’autres familles à travers ça », raconte Anouck qui s’est donné comme mission de déconstruire le paradigme moderne de l’alimentation. Elle rêve plus précisément d’optimiser le microbiome de tout un chacun pour une meilleure immunité collective, une santé mentale au sommet de son potentiel, une peau libre de toute affectation, une absorption totale pour une énergie maximale et une capacité d’élimination olympique.

Le déclic est survenu lorsque son deuxième bébé, âgé de trois mois, a présenté des symptômes inquiétants : douleurs, sang dans les selles, refus de s’alimenter. Après un séjour à l’hôpital et des tests sans résultat, la pédiatre a recommandé une diète d’éviction, sans plus d’explications ni de soutien. Épuisée, sans repères, avec un autre enfant à la charge et un conjoint souvent absent pour le travail, Anouck se retrouve seule face à une situation complexe et ne trouve pas de réponse dans la nutrition traditionnelle.

À ce moment, elle travaillait en production, mais était en congé de maternité. « J’ai voulu réparer ce que j’avais transmis à mes enfants : le stress et la toxicité de notre mode de vie moderne. Je suis retournée à la base de tout. Et ça a été tellement bénéfique pour ma famille ».

Elle s’est donc tournée vers un institut privé basé à Toronto, qui propose une formation en nutrition holistique – une approche qui considère l’humain dans sa globalité et des pratiques qui cherchent à aller à la source des déséquilibres, plutôt que de simplement masquer les symptômes. Son objectif était clair : éviter les raccourcis, les formations simplistes ou superficielles. Elle ne voulait pas devenir une coach santé qui applique des modèles préétablis, mais bien une praticienne capable de comprendre les mécanismes du corps et d’agir avec rigueur.

Dans sa pratique, elle réalise que plusieurs de ses client.e.s arrivent avec l’espoir d’une solution rapide, influencés par une culture du soin instantané. Mais le véritable self-care exige du courage, de la patience et de la constance. Elle le rappelle avec franchise : «Ça a pris des années pour te rendre à cet état, attends-toi pas à être guéri parce que tu manges du chou pendant une semaine.»

L’un des fondements de son approche est cette idée de responsabilisation douce mais ferme : apprendre à écouter les signaux du corps plutôt que de les faire taire avec des solutions temporaires. Par exemple, au lieu de simplement prendre un décongestionnant si on a le nez bouché, elle invite à se demander pourquoi le corps réagit ainsi. Est-ce une allergie? Une inflammation? Un facteur psychosomatique? Chaque symptôme devient un message à décoder. La fatigue, les troubles digestifs, les dérèglements hormonaux ou les fluctuations d’humeur sont souvent des messages du corps. Des appels à ralentir, à ajuster, à écouter.

Le sentiment de vitalité, de clarté retrouvée, vient du fait de nourrir son corps selon ses besoins uniques. C’est là le cœur de sa démarche : accompagner chaque personne comme un cas d’étude à part entière. Et ce niveau de personnalisation vient avec son lot d’informations parfois confrontantes. Certains peuvent se sentir dépassés, presque essoufflés par tout ce qu’ils apprennent sur eux-mêmes. D’autres, au contraire, y trouvent une révélation qui change leur vie, comme ce fut le cas pour elle. « Le premier panier d’épicerie peut sembler interminable, rempli de lectures d’étiquettes, de découvertes parfois déroutantes, mais une fois ce cap franchi, les bénéfices arrivent rapidement », rappelle Anouck.

Pour exercer ce métier de manière authentique, il faut vivre ce que l’on enseigne. C’est ce que prône Anouck. Dans sa formation, on l’a encouragée à tout tester sur elle-même avant de le proposer aux autres. Cette rigueur, elle la vit au quotidien, avec sa famille. Et, ce n’est pas qu’elle a plus de temps que les autres : elle priorise. Elle choisit de cuisiner, de planifier, de maintenir une discipline, parce qu’elle en voit les effets concrets sur sa santé, celle de son conjoint, et surtout de ses enfants — sur leur humeur, leur concentration, leur bien-être global.

Sa famille tend vers un mode de vie sans produits transformés. Les aliments ne sont plus choisis seulement pour leur goût ou leur commodité, mais selon leur « potentiel curatif pour la vitalité ». Par exemple, elle ne cuisine plus avec de la farine industrielle, mais avec des grains ou des noix qu’elle moud elle-même. Cette manière de vivre n’est pas motivée par la peur ou l’obsession, mais par une profonde compréhension du fonctionnement du corps humain. « Une fois qu’on sait, il est difficile de faire marche arrière », affirme Anouck.

Cela ne signifie pas de vivre dans la rigidité. Elle parle avec humour et légèreté de leur plaisir de manger parfois une crème glacée de coco ou de boire un verre de vin. Mais elle le fait « en pleine conscience », avec l’intention d’accompagner son corps avant, pendant et après ces moments, pour en atténuer les effets et maintenir l’équilibre.

L’un des aspects les plus touchants de son parcours est la manière dont elle transmet ses valeurs à ses enfants. « Ma fille de six ans remarque les effets de ce qu’elle mange sur son comportement et sa concentration à l’école. C’est une énorme réussite pour moi, qui témoigne d’une sensibilisation à la relation entre alimentation et bien-être physique et mental », témoigne Anouck avec fierté.

À ses yeux, la performance ne réside pas dans l’exploit physique ou la réussite matérielle, mais dans la capacité à répondre aux exigences du quotidien tout en demeurant à l’écoute de ses propres besoins. Cela exige une présence constante, une organisation solide, et une fine connaissance de soi-même. Et c’est ce qu’elle s’efforce de transmettre : la routine comme socle, la conscience de soi comme boussole.

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À table, les petites et grandes papilles salivent. Un poulet de ferme parfumé aux herbes fraîches, un plateau de légumes dorés au beurre de coco et une salade vive en couleurs feront à coup sûr le bonheur des microbiotes de chacun et chacune. Ici, la cuisine est sans prétention — et c’est exactement comme ça qu’Anouck l’aime. Pour elle, manger sainement ne devrait jamais rimer avec complexité ni performance. « Les recettes que je propose ne sont peut-être pas aussi léchées visuellement que ce qu’on voit sur Instagram, mais chaque ingrédient a une intention, un rôle, une raison d’être. Je prends le temps d’expliquer tout ça dans mes publications », confie-t-elle avec douceur.

Avec Holimmm, son entreprise née de l’envie de mieux nourrir — le corps, l’esprit, la famille — Anouck trace un chemin différent. Elle nous invite à ralentir, à choisir en conscience, et surtout, à transmettre ce rapport sain et joyeux au reste de la famille. 

En guise de clin d’œil, elle nous offre une recette simple et savoureuse : des craquelins aux betteraves et aux graines, parfaits pour faire le plein de vitalité… et à grignoter sans culpabilité.

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Craquelin aux betteraves et aux graines

Ingrédients

  • 1 tasse de graines de citrouille, préalablement trempées toute une nuit puis égouttées
  • 1 tasse de graines de tournesol, préalablement trempées toute une nuit puis égouttées
  • 1 tasse de graines de sésame
  • 2 c. à thé de sel de mer
  • 1 ½ tasse de noix moulues ou de pulpe de lait de noix
  • 3 c. à soupe de psyllium
  • ¼ de tasse de sumac moulu
  • 1/4 de tasse d’eau filtrée
  • 2 c. à table d’huile d’avocat
  • 2 tasses de betterave râpée

Préparation

  1. Mettre les graines au robot culinaire et pulser quelques fois. 
  2. Ajouter le reste des ingrédients et mélanger jusqu’à l’obtention d’une pâte.
  3. Étendre sur une plaque de cuisson recouverte d’une feuille de silicone ou d’un papier parchemin à l’aide d’une spatule ou des mains jusqu’à l’obtention d’une épaisseur de 0,5 cm.
  4. Faire cuire au four 20 minutes à 300oF puis sortir et retourner complètement la pâte durcie et enfourner de nouveau 20 minutes pour assécher l’autre côté.
  5. Laisser refroidir et briser en morceaux.

Servir avec un hummus maison et des légumes croquants. Bon appétit!